HTV, un septième cargo japonais vers l’ISS

Quels pays ravitaillent l’ISS ? Les Etats-Unis grâce à SpaceX via leur Dragon et Northrop Grumman Innovation System (anciennement Orbital ATK) avec leur Cygnus mais aussi la Russie et leur Progress, cargo dérivé du Soyouz. Saviez-vous cependant que le Japon envoie également des vaisseaux vers la station spatiale internationale ? Et oui, la capsule HTV, pour H-II Transfer Vehicle, est un cargo japonais ; et le septième de la famille a été lancé ce 22 septembre 2018 (à 19h52 CEST) ! En plus d’être le plus gros vaisseau actuel à rejoindre l’ISS, c’est aussi celui qui peut y amener le plus d’équipement. HTV-7, celui mis en orbite ces derniers jours, y a notamment transporté de nouvelles batteries, une nouvelle boîte à gant, trois petits satellites et tout un tas d’autres matériels.

Le cargo HTV

Les HTV sont des cargos servant au ravitaillement de l’ISS. Un total de sept de ces vaisseaux a été lancé, et ce depuis 2009. Au final, c’est quasiment un HTV qui décolle tous les ans. Ce type de capsule mesure un peu moins de 10m de hauteur en comptant les quatre propulseurs principaux, pour un diamètre de 4,4m. En comparaison, le laboratoire japonais Kibō à bord de la station 11,2m de long pour un diamètre identique. A vide, le cargo pèse 10,5 tonnes et peut emporter une impressionnante masse de 6,1 tonnes ! Cependant cette charge utile est répartie en deux ensembles distincts : charge utile pressurisée et non-pressurisée. La première peut peser jusqu’à 5,2 tonnes et est stockée dans le PLC (Pressurized Logistics Carrier), la partie en haut du cargo. D’un autre côté, chaque HTV peut transporter 1,9 tonnes (pour les nouvelles versions du cargo depuis HTV-6) de charge non-pressurisée, stockée dans le ULC (Unpressurized Logistics Carrier), la partie centrale du vaisseau.

Le lancement de ces cargos est assurée par la fusée japonais H-IIB. Ce lanceur ne participe d’ailleurs qu’aux lancement d’HTV. Cependant ce dernier n’est qu’une version plus puissante de la H-IIA : premier étage plus grand et large (37,2 x 4m pour la H-IIA contre 38,2 x 5m pour la H-IIB) et avec deux moteurs, second étage plus long (11m contre 9,2m), constamment quatre boosters à ergols solides alors que la H-IIA existe en deux versions (2 ou 4 boosters) et une coiffe plus grande (5,2m de diamètre et 7m de haut comme la version lourde de la H-IIA : la version 204 à 4 boosters). Ce lanceur décolle depuis la base de lancement de Tanegashima située tout au sud de l’archipel nipponne, à la latitude 30° N. Sur ses sept décollages, aucun n’a échoué.

Une fois en orbite, les HTV débutent une phase de croisière de quelques jours pour rejoindre la station : pour HTV-7, cette phase dure environ trois jours et demi. A l’approche de l’ISS, le cargo se stabilise avant de se faire capturer par le bras robotique Canadarm 2 de la station. En effet ce cargo japonais ne peut pas s’arrimer lui-même à l’ISS contrairement au Progress russe et doit donc être déplacé par ce bras comme le Dragon de SpaceX ou le Cygnus de Northrop Grumman Innovation System. Après avoir été accroché à un des ports de l’ISS, les astronautes peuvent ouvrir le sas afin d’avoir accès à la partie pressurisée, le PLC. Dans ce compartiment, tout est bien rangé et pour ne pour pas perdre de place, on trouve des sacs de cargo au sol, aux murs et même au plafond. Et oui ! vu que dans l’espace, tout flotte, ce n’est pas un problème de stocker des éléments un peu partout. Pendant son séjour sur la station, le cargo sera déchargé à l’intérieur mais aussi à l’extérieur. Le Canadarm 2 viendra récupérer les équipements installés dans le ULC (soute non-pressurisée) et les stocker ailleurs à l’extérieur de la station en vue d’une potentielle sortie extravéhiculaire des astronautes pour les installer définitivement. Enfin, après être resté là-haut une trentaine de jours, l’HTV est rempli de déchets (dans le PLC mais aussi dans l’ULC). Il va ensuite quitter la station et aller brûler dans l’atmosphère, au-dessus du Pacifique Sud (ou ailleurs dans le cas de HTV 7).

Afin de manœuvrer en orbite, les HTV possèdent différents types de propulseurs. Il y a déjà quatre réacteurs d’une poussée unitaire d’environ 500N dont les tuyères dépassent à l’arrière du cargo. Ce sont ces derniers qui réalisent les manœuvres orbitales de rendez-vous ainsi que la manœuvre de désorbitation. Pour les contrôles d’attitude plus fins, les HTV sont équipés de 28 petits propulseurs d’une poussée d’environ 110N. Tous ces réacteurs fonctionnent en brûlant un mélange de MMH (monométhylhydrazine) et d’oxydes d’azote mélangés (NO, N2O4, NO2) qui sont stockés dans quatre réservoirs pour un total de 2,4 tonnes de carburants.

HTV 7

Ce septième cargo HTV emportera un total de 6,2 tonnes de charge réparties en 4,3 tonnes pressurisées et 1,9 tonnes à l’extérieur. Le PLC est rempli avec :

EXPRESS Racks 9 et 10 : Les armoires EXpedite the PRocessing of Experiments for Space Station sont des systèmes permettant le stockage et la réalisation rapide et simple de plusieurs expériences scientifiques. Elles sont équipées d’interfaces standardisées et procurent électricité, données, refroidissement, eau, etc aux différentes expériences. Chacune de ces armoires, développées par la NASA, peut abriter jusqu’à dix petits modules. Les armoires 9 et 10 que transportent HTV 7 sont les deux dernières prévues.

LSG : La Life Sciences Glovebox est une boîte à gant hermétique permettant de réaliser des expériences scientifiques et technologique dans un environnement aux conditions contrôlées. Grâce à sa grande taille, deux astronautes peuvent y travailler en même temps. Ce lieu d’expérience a été fabriqué par la NASA et il sera installé à bord du laboratoire japonais Kibo.

LSR : Le Life Support Rack est un équipement fabriqué par l’ESA et Airbus. Il est aussi connu sous le nom ACLS pour Advanced Closed Loop System. Ce système a pour but de tester un nouveau type de support de vie. Ce type d’équipement doit retirer le dioxyde de carbone de l’air, générer de l’oxygène et recycler le CO2 tout en utilisant le moins de ressource possible. L’ACLS est prévu pour un équipage de trois astronautes et sera installé à bord du laboratoire américain Destiny. Grâce à ce système en boucle fermée, il serait possible d’économiser jusqu’à 450kg d’eau par an.

LHPR : L’expérience Loop Heat Pipe Radiator vise à démontrer la capacité technologique d’un tout nouveau système de régulation thermique. Ce démonstrateur sera installé à l’extérieur du laboratoire Kibo, sur le bras robotique japonais. LHPR permettra donc d’utiliser un nouveau type de système, plus performant et moins dangereux, pour réguler la température des satellites.

3 Cubesats : SPATIUM-1 (démonstrateur technologique d’une méthode de mesure de la densité électronique, cartographie 3D de l’ionosphère et d’horloges atomiques miniatures), RSP-00 (démonstrateur technologique d’imagerie avec caméra embarquée et transmission à haute vitesse), STARS-Me (démonstrateur technologique d’un ascenseur spatial avec un câble de 10m de long). Ces trois micro-satellites seront ensuite largués depuis le sas du laboratoire Kibo et marqueront le 10ème largage de Cubesat de cette manière.

HSRC : Une capsule de retour d’échantillons scientifiques (détails dans le paragraphe suivant).

Des vivres comme il y avait eu sur HTV 5 et 6 incluant des fruits et légumes frais.

Fresh Food HTV 6 (Jaxa)
Fresh Food HTV 6 (Jaxa)
Fresh Food HTV 6 (Jaxa)

L’ULC, quant à lui, transporte six batteries qui viendront remplacer les anciennes de la station. En effet, les premières batteries électriques de l’ISS étaient au Nickel-Hydrogène. Elles avaient une durée de vie très longues mais ne pouvaient pas stocker beaucoup d’énergie. C’est pourquoi, depuis 2017, elles sont remplacées par des batteries Lithium-Ion. Ces dernières peuvent emmagasiner deux fois plus d’électricité pour un même volume, ce qui signifie qu’il n’est nécessaire d’avoir que la moitié des batteries présentes initialement. Les batteries transportées par HTV 7 seront sorties par le Canadarm 2 et placées au niveau de la poutre P4 (au niveau des premiers panneaux solaires sur le côté gauche de la station). Cette manœuvre est visible dans cette vidéo réalisée par l’agence spatiale canadienne. Deux EVAs (sorties extravéhiculaires) auront ensuite lieu avec Alexander Gesrt et Andrew Feustel pour la première et avec Alexander Gerst et Ricky Arnold pour la seconde afin de les installer à la place des anciennes.

HSRC

Cet acronyme signifie HTV Small Reentry Capsule et symbolise un démonstrateur technologique d’une petite capsule emportée à bord de HTV 7 (et sûrement des prochains HTV) qui permettrait de ramener sur Terre des expériences scientifiques menées à bord de l’ISS. Cette capsule qui mesure 84cm de diamètre et 66cm de haut est, dans un premier temps, stockée comme n’importe quel cargo dans le PLC.

Ce n’est qu’une fois en orbite qu’elle sera changée de place. En effet avant le départ du cargo, la porte de l’HTV sera démontée et une fixation spécialement conçue pour l’occasion sera installée à la place. Cette dernière assure l’étanchéité du PLC mais permet surtout de fixer la capsule HSRC afin qu’elle soit libérée une fois en trajectoire de rentrée atmosphérique.

La capsule possède tout une partie externe contenant les parachutes ainsi que les réservoirs de carburant et les petits moteurs imprimés en 3D qui permettront à HSRC de s’orienter pendant la rentrée. Cette partie est également protégée de la chaleur de la rentrée atmosphérique par une épaisse couche de panneaux ablatifs. A l’intérieur il y a un containeur à double épaisseur (sur le même principe qu’un thermos) qui permet de stocker jusqu’à 20kg d’expériences tout en restant passivement froid (ou 5kg s’il est nécessaire de conserver des températures encore plus basses). La capsule HSRC emportée par HTV 7 sera remplie de cristaux de protéines cultivés dans la station afin qu’ils soient analysés plus en détail au sol.

Une fois que le cargo HTV 7 se sera désamarré de l’ISS, il allumera ses quatre propulseurs afin de se désorbiter. Ce n’est qu’une fois cette manœuvre réalisée que HSRC sera séparée du reste du cargo. Contrairement aux autres HTV, celui-ci effectuera sa rentrée atmosphérique dans le Pacifique Nord-Ouest afin que le containeur à l’intérieur de la capsule puisse rapidement être récupéré et transféré par bateau puis par avion aux laboratoires. Le reste de la capsule sera ramenée plus lentement par bateau pour ensuite pouvoir étudier sa résistance à la rentrée et vérifier que tout s’est passé comme prévu.

Cette capsule HSRC est dérivée de la capsule HTV-R qui devait être une variante du cargo HTV mais avec une capsule de rentrée à la place du PLC. Ainsi de grandes quantités d’expériences auraient pu être ramenées sur Terre. Finalement, l’HTV-R reste en évaluation et des plans conceptuels publiés en 2012 par la JAXA (agence spatiale japonaise) incluaient également un autre dérivé de l’HTV qui pourrait emmener trois astronautes en orbite avec 400kg de cargo. Affaire à suivre !

Aure